L'alcool a été mon compagnon pendant une grande partie de ma vie, mais nos relations ont évoluées au fil des années. Je vais vous raconter comment.
L’alcool désinhibiteur
Ma première rencontre avec l’alcool a eu lieu lorsque j'étais étudiante, j'avais alors 17 ans. Il faut dire qu'à cette époque, je n'étais déjà pas bien dans ma peau, je portais en moi un lourd passé familial. Moi qui étais très réservée et qui manquais de confiance en moi, boire me permettait lors de soirées, de me mettre dans l'ambiance, d'oser parler aux autres, il n'y a qu'avec l'alcool que je réussissais à m'intégrer. Par la suite, j'ai souvent utilisé cette fonction désinhibitrice de l'alcool afin de me permettre d'être à l'aise dans des groupes.
L'alcool festif
Puis vint la période de l'alcool plaisir, lors de repas en famille ou entre amis; j'aimais bien boire un apéritif ou du bon vin, j’appréciais ! À cette époque, je buvais comme beaucoup de personnes, « normalement », si l'on peut dire.
L'alcool anxiolytique
À 22 ans, je me suis mariée, mais je n'ai pas réussi à m'épanouir dans cette relation. J'ai commencé à boire beaucoup plus, lorsque j'en avais l'occasion, lors de repas en famille. L'alcool me permettait de donner l'image d'une personne heureuse, ce qui n'était pas le cas. Un jour je me suis retrouvée aux urgences après avoir pris alcool et médicaments. J'en suis sortie le lendemain pas plus avancée. Puis j'ai commencé à boire un peu, seule, presque tous les jours. Je faisais 15 jours avec une bouteille de whisky. Certes, ce n'était pas encore une très grosse consommation, mais je me rendais compte que ce n'était pas normal et cela m'inquiétait, mais l'alcool me permettait de supporter cette vie qui ne me satisfaisait pas.
À 35 ans, je divorçais. Je me retrouvais seule avec mes 2 enfants. Au début, tout allait bien, je ne consommais plus d'alcool. Même si ce divorce représentait quand même un échec à mes yeux, je me sentais libre, mais très vite mon mal être et la souffrance de la solitude m'ont rattrapée. De plus, assumer mon travail et la responsabilité de mes enfants était difficile, alors, le soir, pour me détendre, je buvais 2 whiskys. J'avais besoin de ça pour supporter ma vie et réussir à dormir... Je ne prenais pas d'anxiolytiques, car j'étais contre ce qui était chimique, l'alcool, lui, était un produit naturel qui pour moi avait la même fonction. Le week-end, je buvais beaucoup plus... Je me souviens d'un dimanche où je n'avais plus de whisky et où j'ai envoyé mon fils acheter une bouteille à la petite épicerie du village; j'en ai ressenti beaucoup de honte, mais il m'en fallait et je n’étais pas capable d'y aller moi-même .
Cette consommation a duré pendant des années, juste ce qu'il fallait le soir pour me détendre, mais être quand même en mesure le lendemain d'assumer mon travail; mais le week-end, je buvais beaucoup plus.
L'alcool destructeur
Je me rendais compte que j'étais devenue dépendante psychologiquement; je supportais de moins en moins bien l'alcool. Je me souviens de matins où je ne savais plus ce qu'on s'était dit la veille avec mes enfants. Je voyais bien que ma consommation était anormale, mais je ne pouvais pas m’en passer. J’en ai parlé plusieurs fois à mon médecin traitant, mais rien n’a été mis en place.
Je ne savais pas à qui m’adresser pour être aidée. La souffrance et le mal de vivre étaient toujours présents. L’alcool me permettait juste d’oublier quelques instants.
J’ai fini par faire une sérieuse dépression. Là, j’ai accepté de prendre antidépresseurs et anxiolytiques et j’ai réussi à arrêter l’alcool pendant un an.
J’ai rencontré une nouvelle personne. Tout allait bien au début, alors j’ai cru pouvoir à nouveau boire normalement, mais les doses ont très rapidement augmenté et j’étais obligée de boire en cachette pour éviter les reproches.
Mon mal-être a vite refait surface, je n’étais pas heureuse dans cette relation ; j’avais perdu toute ma personnalité et l’estime de moi. La seule solution que je trouvais pour supporter cette situation était de boire encore plus, ce qui, en fait, m’empêchait d’en sortir. Moins je m’estimais, plus je buvais et plus je buvais, moins je m’estimais…
La dégringolade
Puis survinrent des problèmes de santé, suivis d’un burnout et c’est là qu’a commencé la vraie dégringolade. Je me retrouvais seule. Ne travaillant plus, je n’étais plus obligée de me fixer des limites dans ma consommation. Je finis par boire toute la journée. Certains jours, c’était la bouteille de whisky en entier. Puis un matin, je me réveillais et constatais que je tremblais et que cela passait une fois que j’avais bu.
Je pris conscience que j’étais devenue dépendante physiquement. Bien sûr, avant, il y avait eu les sueurs nocturnes, les cauchemars, mais je ne savais pas que c’étaient les premiers signes de la dépendance. Oui, ça y était, j’étais alcoolique ! Je n’aimais déjà pas ma vie avant, je voulais encore moins de cette vie-là, mais je ne savais pas comment m’en sortir.
C’est par hasard que j’ai découvert sur internet qu’il existait des postcures, mais qu’il fallait faire un sevrage. Je voulais être prise en charge, mais je ne savais pas comment faire. Un soir, désespérée, j’ai donc mélangé alcool et médicaments afin d’être hospitalisée. Je me suis retrouvée aux urgences. Malheureusement, je n’ai pas pu être prise en charge pour un sevrage, faute de place.
Je me suis donc retrouvée à nouveau seule chez moi. Après avoir appelé plusieurs fois l’hôpital pour une place, sans résultat, j’ai fini par me faire hospitaliser en psychiatrie ou je suis restée trois semaines.
Contrôle de la consommation
Deux mois après ma sortie, j’ai obtenu une place à Maizeroy, centre de postcure. J’y suis restée trois mois. Mais en rentrant chez moi, je retrouvais ma solitude et mon mal-être. Je ne voyais aucun sens à donner à ma vie.
Alors, petit à petit, j’ai repris une consommation régulière, certes contrôlée, pas plus d’une bouteille par semaine ; bouteille que je commençais le soir et finissais le lendemain matin pour ne pas être tentée de boire à nouveau le soir même. Et bien sûr c’était toujours la dernière ! Je vivais dans une culpabilité constante. C’était pour moi un vrai cauchemar. Cela a duré ainsi pendant 3 ans.
J’étais constamment en lutte avec moi-même, enchaînant les périodes de consommation et d’abstinence.
Je ne voulais plus boire, mais dès que j’avais un souci, j’avais tellement peur de mes émotions, tellement peur de souffrir encore, que je me réfugiais dans l’alcool, seul remède que je connaissais.
Je pensais tout de même toujours que j’arriverais à m’en sortir seule, mais au contraire, début 2017, suite à un gros choc affectif, j’ai recommencé à consommer de manière plus importante et plusieurs jours de suite.
La renaissance
Un soir où j’étais très mal, j’ai appelé au secours un ami qui m’a donné le numéro de téléphone de la Croix Bleue, association qui vient en aide aux personnes en difficulté avec l’alcool.
J’avais enfin trouvé l’aide que j’attendais.
Depuis ce jour, je n’ai plus bu une goutte d’alcool, car j’ai aussi compris que, quel que soit notre état émotionnel, le résultat est toujours le même, un verre ne suffit jamais ! J’ai donc compris que pour nous, malades alcooliques, il n’y a qu’une solution : l’abstinence totale et définitive.
Depuis, je participe régulièrement aux groupes de parole Croix Bleue. J’y ai trouvé ce qui me manquait tant, de la chaleur humaine. C’est un lieu de partage, d’écoute, de parole, d’échanges de nos différentes expériences, sans jugement aucun.
On se rend compte que d’autres y sont arrivés et qu’ils sont heureux sans alcool, alors pourquoi pas moi. Sans alcool, ma vie a changé, je suis aujourd’hui capable d’accueillir mes émotions, de lâcher prise et donc d’avancer de manière constructive.
J’ai repris confiance en moi petit à petit, je suis plus positive et j’ai de nouveau confiance dans la vie. Aujourd’hui je ne survis plus, je vis. Je sais qu’il y a une vie après l’alcool. Je remercie tous mes amis de la Croix Bleue qui m’ont aidée à trouver la sortie de ce tunnel obscur qu’était ma vie.
Mon témoignage se veut celui de l’espoir. Oui, on peut s’en sortir et vivre heureux sans alcool. Mais je suis persuadée que les groupes d’entraide sont la meilleure aide qui puisse être apportée aux malades alcooliques. La volonté d’en sortir, seule, ne suffit pas.
Alors, si comme moi, vous rencontrez des difficultés par rapport à votre consommation d’alcool, n’hésitez pas à franchir la porte, vous y serez accueilli sans jugement et y trouverez sûrement l’aide que vous attendez depuis longtemps. Je finirai avec une citation de Nelson Mandela : « la plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute ».
Monique, Croix Bleue Verdun.
Comments