Quand on vient à la Croix Bleue, c’est bien souvent dans l’ultime espoir d’y trouver de l’aide.
On n’y arrive plus tout seul, on a besoin de poser un fardeau devenu trop lourd.
L’acceptation d'arrêter de boire est l’acte responsable qui permet de reprendre le dessus.
À force de démissionner, d'abandonner l’idée de lutter, le buveur est souvent mis en face de responsabilités et de décisions qui lui font peur.
De vivre sans cesse sous pression, son corps et son esprit sont usés.
Il ne maîtrise plus rien, il « s'abandonne ». Un jour, il passe devant sa porte sans oser la pousser (car il sait devoir affronter les factures, les reproches, les regards, sa misère, etc..).
Dans l’hésitation d'arrêter de boire, il a peur de se rencontrer. Il craint les reproches et les exigences. Il ne se reconnaît plus. Les barrières sociales tombent les unes après les autres, il ne respecte plus les interdits, il est dans la non-attitude, l’inconduite permanente.
En fait, il s'étourdit, il échappe à lui-même, se condamnant à la vie instinctive, toujours en fuite, il n’est plus homme (vie réfléchie), mais bête (vie instinctive).
Or, le constat est qu’il est plus rapide de détruire une famille que de la bâtir, tout comme il est plus aisé de laisser aller les choses que de les affronter. Cela vaut aussi pour l’entourage.
Mais l'homme est sur terre non pas pour subir, mais pour vivre sa vie ; une vie qui ne sera pleinement vécue que débarrassée de la camisole alcoolique qui l’empêche de réagir en brisant sa volonté.
Alors, si ce message doit convaincre les indécis, je leur dis simplement : « reprends-toi, regarde devant vers demain, en jouissant pleinement d'aujourd'hui, en ne regardant pas trop sur hier. L'abstinence te prouvera si besoin était que les yeux embués du conjoint, le regard pétillant de l'enfant, la reconnaissance d'avoir arrêté de boire et d'être reconnu (abstinent), sont une richesse qu’aucune bouteille d'alcool au monde ne saurait mériter.
Toi qui souffres, hésitant, tu cherches la porte de salut, laisses parler ton cœur. Nous, ici, avons relevé la tête, nous sommes des hommes neufs, tu peux en faire autant ! »
La guérison est une réalité et l'amitié une aide puissante.
Ensemble, efforçons-nous de faire évoluer l'idée de la maladie alcoolique dans sa phase de réhabilitation............. Cette maladie où l'on boit seul, mais où on guérit ensemble, dans l'amitié et la fraternité des buveurs guéris, épaulés par leur famille sans qui, bien souvent, une vie nouvelle ne peut se réaliser. La personne qui vient à nous doit donc nous confier une part de son fardeau pour qu’on l’aide, sans se méprendre, car c’est elle qui doit s'en sortir, elle en a les moyens, en acceptant la main qu’on lui tend.
Roland Mansuy
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